La gestion efficace de la dette publique, un levier pour relever les défis économiques croissants du Sénégal.

Le défi de la dette au Sénégal

De 347 milliards en 2012 à 1 826 milliards en 2024, la dette publique du Sénégal a augmenté rapidement, faisant peser un lourd fardeau sur le pays et suscitant des inquiétudes quant à sa stabilité économique.  Cela équivaut à un remboursement quotidien d’environ 5 milliards. L’augmentation du niveau de la dette constitue un défi important pour la stabilité économique et le développement futur du pays. La dette publique est l’ensemble des engagements financiers d’un pays qui nécessitent des paiements futurs d’intérêts et de capital ; elle est souvent exprimée en pourcentage du produit intérieur brut (PIB). Elle est souvent exprimée en pourcentage du produit intérieur brut (PIB). Cette mesure permet d’établir des comparaisons entre les pays et donne un aperçu de la viabilité de la dette d’un pays, c’est-à-dire de sa capacité à emprunter davantage d’argent. 

La dette publique du Sénégal n’a cessé d’augmenter au fil des ans. En 2006, la dette s’élevait à 1 022,7 milliards, soit 20 % du PIB. En 2012, elle est passée à 2 741,4 milliards, soit 40 % du PIB. Toutefois, en 2024, la dette avait diminué à 1 248,2 milliards, entraînant un déficit de 3,9 % du PIB.

Cadre juridique et situation actuelle de la dette au Sénégal

La gestion de la dette publique au Sénégal se trouve actuellement dans une situation critique, particulièrement marquée par des défis financiers accrus à la suite d’un récent changement de gouvernement. La dette nationale a augmenté de manière significative, passant de 347 milliards en 2012 à 1826 milliards en 2024, soit un rythme de remboursement estimé à 5 milliards par jour. Au Sénégal, la dette publique comprend tous les passifs qui sont des titres de créance, c’est-à-dire des créances financières qui nécessitent le paiement d’intérêts et/ou de capital par le débiteur au créancier à une date future. La dette publique est généralement exprimée en pourcentage du produit intérieur brut (PIB). 

Cela permet de comparer la dette à la taille de l’économie, facilitant ainsi les comparaisons internationales. Le poids de la dette a évolué progressivement, passant de 1 022,7 milliards ou 20 % du PIB en 2006 à 2 741,4 milliards ou 40 % du PIB en 2012, et enfin à 1 248,2 milliards ou un déficit de 3,9 % du PIB en 2024. 

Cela souligne la nécessité pour le gouvernement de prendre des mesures stratégiques pour stabiliser les finances publiques et stimuler le développement économique. En réponse à ces défis, des ajustements budgétaires pour 2024 sont envisagés, visant à augmenter les recettes fiscales et à rationaliser les dépenses publiques dans le cadre d’une gestion plus prudente des emprunts futurs.

En ce qui concerne la zone Afrique de l’Ouest à laquelle appartient le Sénégal, le règlement n°09/2007/CM/UEMOA, établissant un cadre de référence pour la politique et la gestion de la dette publique dans les Etats membres de l’UEMOA, stipule que la dette publique s’entend des emprunts intérieurs et extérieurs contractés directement par l’Etat, des emprunts intérieurs et extérieurs contractés par les entités de l’Etat, et des emprunts publics et privés garantis par l’Etat ou ses entités. Chaque année, le service de la dette est l’un des postes les plus importants. 

Les grands défis de la gestion de la dette publique au Sénégal

Selon les données de la Banque mondiale, la dette publique du Sénégal aura atteint environ 73,4 % du PIB en 2023, contre 61 % en 2020. Cette augmentation est principalement due aux emprunts contractés pour financer des projets d’infrastructure tels que le Train Express Régional (TER) et le nouvel aéroport international Blaise Diagne, comme le prévoyait le Plan Sénégal Emergent du gouvernement de l’époque. La dette extérieure représente environ 40 % du PIB et est principalement contractée en devises étrangères, ce qui expose le pays aux fluctuations des taux de change.

La capacité de remboursement est un autre défi majeur. D’ici 2023, le service de la dette représentera environ 25 % des recettes publiques, ce qui limitera la capacité du gouvernement à financer d’autres dépenses essentielles. 

En outre, les paiements de la dette réduisent les fonds disponibles pour les dépenses sociales et les investissements dans les infrastructures. Les projets d’infrastructure rurale et les programmes sociaux sont sous-financés en raison des paiements de la dette. Cela entraîne des retards dans l’amélioration des conditions de vie des citoyens, en particulier dans les zones rurales.

Un autre fait indéniable est que, pour maintenir le niveau du service de la dette, le gouvernement actuel pourrait être contraint d’augmenter les impôts, ce qui pourrait ralentir la croissance économique. En effet, des impôts plus élevés sur les entreprises pourraient réduire l’investissement privé et ralentir la création d’emplois.

La lourde charge que représente le service de la dette pour le budget des administrations publiques a un effet d’éviction qui rend difficile le financement des investissements futurs. Ces secteurs de services sociaux de base se retrouvent relégués à un niveau de financement bien inférieur à leur importance sociale ou économique. Le déficit budgétaire du Sénégal dans la loi de finances 2024 s’élève à -840,2 milliards de FCFA, soit -3,9% du PIB. Le financement des investissements futurs reste un enjeu majeur pour le Sénégal. Le DPBEP (juin 2024) pour la période 2025-2027 laisse entrevoir une dette de l’État central de l’ordre de 13 772,8 milliards de Fcfa, contre 11 782,8 milliards en 2022. Le niveau élevé des intérêts et commissions liés à la dette publique (578 273 618 000 FCFA en 2024) et le niveau élevé du capital (882 990 275 799 FCFA) et des transferts courants effectués par l’Etat réduisent drastiquement la capacité d’investissement de ce dernier (953 281 294 201 FCFA).

Politique de la dette publique et développement vs. financement des dépenses d’avenir en matière d’éducation, de santé, de justice, de climat et de recherche.

La relation entre la dette publique et les ambitions de développement d’un pays dépend fortement des options politiques et de la programmation macroéconomique et macro-budgétaire. Si la dette publique augmente de manière excessive, un pays risque de ne plus pouvoir faire face à ses charges d’intérêt et de se retrouver en situation de faillite publique. Cette relation est double, car elle présente à la fois une image des facteurs de déstabilisation de la politique d’endettement et des pistes pour réhabiliter l’efficacité de la politique d’endettement au service du développement.

Au cours des trois dernières années, le Sénégal a été secoué par une série de chocs défavorables qui ont altéré la solidité de ses fondamentaux et la dynamique de ses réformes. En conséquence, un certain nombre de réformes prévues dans le cadre du précédent programme soutenu par le FMI restent inachevées, à savoir : i) l’élargissement de l’assiette fiscale, ii) l’élimination des subventions à l’énergie, iii) le renforcement des filets de sécurité sociale, iv) la correction des déficiences du système de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, et iv) la mise en œuvre de réformes structurelles propices à une croissance créatrice d’emplois et tirée par le secteur privé.

La manifestation immédiate de l’effet d’éviction du service de la dette sur le financement des investissements d’avenir est l’effet de ciseau, qui menace la soutenabilité du déficit et l’équilibre des comptes publics. La relation entre la dette publique et l’efficacité des investissements dans les secteurs prioritaires devient difficile à établir. La part des secteurs des services sociaux de base dans le budget général de l’État reste très faible : la santé (n° 3 des objectifs de développement durable de l’OCDE) et l’éducation (n° 4 des objectifs de développement durable de l’OCDE) représentent moins de 20 % du budget général de l’État. Les données du DPB montrent que seulement 11 % de la dette est utilisée pour la santé, contre 21 % pour l’agriculture et 30 % pour les transports.

Dette publique et évolution des métiers : formation et emploi dans les industries extractives, la technologie numérique et l’intelligence artificielle. 

La politique de la dette doit alors être à l’image des finances publiques de l’époque : intelligente, prospective, cohérente et résiliente. Elle doit servir de levier de financement efficace et rationalisé pour soutenir les efforts de l’action publique, en orientant mieux la dépense publique vers la réponse aux différentes transformations qui secouent l’État (contrairement aux incongruités attachées à l’intervention publique par les adeptes de l’École des choix publics de Chicago ou des idéologies d’économie politique longtemps propagées sous Donald Regean et Margaret Thatcher, faisant de la dépense publique, et donc de l’État, « le problème, pas la solution »). A cette fin, la Banque mondiale et le Fonds monétaire international ont élaboré en 2009 un Cadre systématique et exhaustif pour aider les pays à formuler une stratégie efficace de gestion de la dette à moyen terme (MTDS).

La dématérialisation de certaines fonctions administratives et des procédures qui les accompagnent menace des milliers d’emplois et nécessite l’acquisition de nouvelles connaissances et compétences. La prise en charge de ces domaines innovants nécessite des investissements publics massifs. Or, le problème de la dette publique est que dans de nombreux cas, comme souvent en Afrique, le remboursement nécessite un surendettement pour refinancer la dette, ou tout simplement pour formuler des demandes d’annulation. COVID-19 et la crise russo-ukrainienne ont amplement démontré la précarité de notre capacité de remboursement. Les économies africaines, comme celle du Sénégal, sont caractérisées par leur structure cyclique, ce qui les rend particulièrement extraverties, fragiles et vulnérables aux chocs exogènes. Et, comme on le sait, l’investissement dans les secteurs du numérique et des hydrocarbures nécessite la formation de ressources humaines qualifiées et d’un capital humain employable. 

Le nouveau gouvernement semble annoncer des orientations fortes : la mise en place d’audits réguliers pour identifier et éliminer les inefficacités, et l’adoption d’une stratégie plus prudente pour la gestion des nouveaux prêts, en veillant à ce qu’ils soient utilisés pour financer des projets à fort impact économique et social. 

Elhadj Amadou Samb

Directeur Pays de BudgIT Senegal

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